5h du mat, mais je n’ai pas de frissons…
Semaine de courtes nuits. Réveils entre 2h30
et 5h00. J’ai donc essayé de me coucher tôt toute la semaine, entre 22h30 et
23h30. Comme d’habitude dans ces cas-là,
je tente d’identifier la cause du trouble. C’est relativement facile… Ma
motivation professionnelle a grandement diminué. La nouvelle organisation ne me
convient pas. Nouveau découpage géographique et nouvelle structure hiérarchique
sont tous les deux démotivants. Sur le papier, je couvre beaucoup moins de pays
et plus de produits. Dans la réalité des faits, j’ai toujours des dossiers à traiter
pour la même (très grande) zone mais comme je ne suis plus « responsable »
de beaucoup d’entre eux, je n’ai pas de raison – ou l’espoir - de m’y déplacer
et je passe mon temps devant mon pc à recevoir et envoyer des messages.
Les nouveaux produits ne sont pas non plus
dans le core business (ceux qui travaillent dans le marketing ou la vente
saurons ce que cela signifie) et il faut développer beaucoup d’efforts pour que
le réseau commercial trouve motivation à les vendre et que le « top management »
accepte de financer les études qui permettent de les faire évoluer. C’est ce
que j’appelle un environnement professionnel hostile.
Difficile de comprendre
pour une personne extérieure à ce domaine, en voyant un cadre bien payé avec
une belle voiture de fonction, qu’il parle d’environnement hostile. Pourtant,
la pression est réelle, quotidienne, envahissante. La pénibilité du travail n’est
pas physique mais néanmoins réelle. L’opérateur sur machine ne comprendra pas : « De
quoi te plains-tu ? T’es bien payé, tu es confortablement assis dans
ton bureau, tu n’es pas obligé de surveiller tes dépenses chaque fin de mois ! ».
Certes. Je pourrais préciser que le bureau est sans fenêtre et que passer ses
journées devant un écran d’ordinateur à la lumière des néons est fatiguant. Je pourrais aussi préciser que je mets essentiellement de l'argent de côté pour payer les impôts et qu'à la fin de l'année je repars à zéro. Il
pourrait me répondre que passer ses journées devant une machine parfois bruyante,
parfois avec des matières malodorantes, parfois à une température élevée,
parfois tout à la fois et bien plus, est certainement bien plus fatiguant. Bien
sûr. C'est évident. C'est pénible et mal payé. Mais la fatigue dont je parle n’est pas physique. Elle est mentale. L’usure
est mentale, psychologique.
Etre sous pression permanente – objectifs,
résultats – solliciter en permanence – messagerie, téléphone, BlackBerry,
ordinateur portable – est usant. Beaucoup le diront.
Car il semble que nous soyons nombreux parmi « les
cadres » à supporter de plus en plus difficilement cet état de fait, que le bien
fondé de tout cela nous paraisse moins évident. Mais l’avouer est une
faiblesse, c’est se placer dans la position du maillon faible. Et le maillon
faible n’a pas sa place dans les organisations de ce type.Et puis comment stopper la machine ? Comment faire pour changer de "niveau de vie" ? Comment convaincre les autres que la qualité de vie sera meilleure en possédant et dépensant moins ? Je me vois bien expliquer ça aux enfants. J'y pense mais n'ai pas la solution. Alors il faut atténuer ce mal-être.
Je n’ai pas de support « médicamenteux »,
je n’en veux pas. J’ai réagi différemment, je l'ai expliqué. J’ai fait glisser mes centres d’intérêt,
ma motivation vers autre chose. J’ai d’abord supprimé complètement alcool et
cigarettes vers Noël. Ce sont des béquilles insidieuses. Je me suis lancé
dans une pratique que l’on pourrait qualifier d’excessive du sport (activité quasi
quotidienne à base de course à pied, natation, VTT). Je lutte pour que mon
travail n’envahisse plus ma vie de famille et mes loisirs sportifs. La vie de
famille n’est pas toujours calme et réconfortante. Le sport l’est toujours. C’est
l’assurance de satisfaction, de soulagement, de bienêtre.
Certains amis ne me prévoyaient pas tenir plus
d’un mois à ce rythme. Ils se sont trompés. C’est une drogue. Un jour sans
sport (une fois par semaine, parfois deux à cause du travail) est une sensation
de manque. Je ne suis pas devenu un athlète pour autant. Mais j’ai une
condition physique, une résistance, une endurance, des performances accrues. J’ai
trouvé un moyen de me dépasser. Je lutte contre quelque chose que je peux
vaincre : les douleurs (la pratique du sport et parfois douloureuse. J’ai
couru 23 km le week-end dernier, mes genoux de 48 ans m’ont obligé à trouver
des mouvements souples qui les ménagent !), le découragement (1h30 de
course dans le vent et la pluie oblige à lutter contre le désir de s’arrêter,
la longue côte boueuse en VTT est épuisante et paraît infranchissable).
C’est une façon de se réaliser. C’est une satisfaction
avant, pendant et après.
Afin d’aider les autres à exister, pour les
soutenir, il faut déjà être capable d’exister soit même et être stable.
J’ai faim. J’ai souvent faim maintenant ! Je vais prendre mon petit déjeuné
Je laisse la lumière allumée, je repasserai un
jour.