jeudi 23 octobre 2014

Bulle



Que dire ?

Le temps passe lentement. Lentement  mais inéluctablement,  impitoyablement.

Je vieillis sans gesticulations. Est-ce ce que l’on appelle la sagesse ? Il me semble déjà avoir écrit là-dessus.

J’ai construits une routine confortable et protectrice. Une vie pavée de repères comme des pierres pour passer une rivière au sec.

Je pourrais vivre cette vie indéfiniment.  Elle ne m’ennuie pas. Elle a ses moments de bonheur, des petits bonheurs, des bonheurs simples à savourer, avec tous ses sens.

Ne pas subir de coups, c’est déjà beaucoup.

C’est cette impression d’être épargné qui me procure cet apaisement.
Pas de maladies qui s’emballent, pas d’ombres menaçantes de la mort, pas d’accidents, pas de chômage. C’est déjà ça.

Evidemment, de mon île, en regardant au large, je vois bien des orages qui se préparent au loin : L’état de santé de mon père, physique et mental, qui ne pourra que se dégrader, la fin de carrière professionnelle qui sera difficile (comme pour beaucoup de séniors), la difficulté grandissante à faire face aux dépenses (les enfants seront-ils indépendants avant que je ne puisse plus les aider ? Cette année est la pire de toutes, l’augmentation des impôts, des loyers, des transports pour ne citer qu’eux, m’étrangle).
Mais je ne veux pas y penser.

Mon quotidien se déroule selon un plan qui varie peu.

J’ai augmenté mes horaires de travail : Plus d’enfants à la maison. Je pars du bureau vers 18h30 – 19h15. Je prépare un repas rapide pour mon père et moi. Un couple de petits vieux.
Je mange avec ma tablette à côté de moi, en regardant une série, pour couvrir les insupportables bruits de bouche. Je suis devenu un dévoreur de série. Je les épuise toutes. Game of thrones, Under the dome, Marvel’s agents of shield, Vikings, Defiance…
Elles m’aident à m’échapper. Lavage de cerveau parfaitement accepté.
Généralement je continue à suivre un épisode après le repas : J’ai lâchement abandonné le canapé devant la télé et je laisse mon père regarder seul le grand écran.

L’actuelle préparation à un marathon m’empêche de pratiquer toutes les disciplines du triathlon. J’ai temporairement abandonné le vélo.

Le dimanche matin consiste en une sortie longue d’une vingtaine de kilomètres, pendant environ 2h.
Et puis, si des enfants ou mon amie sont là, je prépare à manger. Une cuisine simple à laquelle  j’apporte tout de même  le plus de soin possible.
Dimanche dernier j’ai préparé des cuisses de poulets au miel, moutarde et poudre d’arachide, accompagnées d’une sorte de ratatouille avec une sauce réalisée avec du lait de coco, de la sauce soja salée,  de l’ail et des tomates pelées.
Parfois, je confectionne un dessert avant le repas ou dans l’après-midi : Classique moelleux au chocolat, sablés, tarte au citron meringuée, tarte aux noix de pécans caramélisée, tarte aux fruits rouges avec crème pâtissière. Je tiens absolument à tout faire moi-même ; les pâtes, les crèmes.
Nous mangeons dans le salon que j’ai récupéré après avoir déménagé la télé dans une des chambres.
Ceci donne une ambiance de « repas du dimanche en famille » qui me ravie.
Recevoir, cela me manquait. J’ai d’ailleurs recommencé à inviter des amis. Le salon, occupé très occasionnellement par mon père qui continue à y faire ses réussites, à retrouver un aspect et une odeur acceptables et convenables. L’odeur de cheveux gras n’y flotte plus. Certes, je dois parfois poser la table basse sur le canapé qui s’y trouve pour empêcher toute tentative de sieste dans l’endroit.

Le lundi c’est repos. Repos sportif. J’en profite pour finir tard (tout est relatif), vers 19h15.

Mardi midi, course à allure tranquille pendant une heure. Si nous n’avons pas prévu d’aller au cinéma avec mon amie – pour profiter de l’offre « jour de ciné » de mon opérateur téléphonique, je pars aussi vers 19h (19h30 hier).

Mercredi, séance de course « fractionnée » le midi ou le soir. Aujourd’hui, comme je profite de la pause repas pour écrire ce billet, ce sera le soir Je retrouverai mon camarade d’entraînement. Je ne vois plus guère la jeune triathlète. Elle avait mis en pause ses entraînements après une blessure et indéniablement de la distance entre nous. Qu’ai-je fait ou dit ? Je ne sais pas. J’ai pris soin de toujours garder mon pantalon, mes gestes et mes paroles parfaitement décents.

Jeudi, natation le soir. Mais des déplacements m’ont pour l’instant tenu loin du bassin.

Vendredi, la journée que je préfère. Le dernier jour de travail de la semaine. Une joie comparable à celle que j’éprouvais à la veille des vacances scolaires quand j’étais élève. Une impression de pouvoir vivre à un rythme plus lent, de pouvoir se laisser porter.

Le samedi est souvent bien occupé. Natation puis course  à pied le matin. Un repas vite préparé pour pouvoir faire les courses pendant le repas pour éviter les autres consommateurs.
Bien qu’ils ne soient pas majoritaires – quoi que … - éviter les hordes de porteurs de jogging à cheveux gras, avachis sur leur caddie, puant la sueur et le tabac froid, accompagnés de relents d’alcool, plantés au milieu des allées, éviter les groupes de coqs à casquettes, garés de travers sur les places handicapées, trimballant leur pouffe blonde dont l’unique avantage est leur plastique qu’elles exhibent sous des tenues de chanteuses américaines en représentation , éviter ceux-là et beaucoup d’autres qui me font me poser des questions sur notre modèle de société, m’enchante. C’est aussi une façon de se ménager.
Et puis il y a les jeux à gratter dont mon père est toujours adepte. Son petit plaisir, bien anodin, de la semaine.
Ensuite viennent quelques papiers à remplir, un peu d’entretien du jardin – je devrais dire la tonte, c’est tout ce que j’y fais – ou des courses autres qu’alimentaires.
Et le soir, c’est le repas au restaurant, l’incontournable repas au restaurant, seule sortie de mon père.

Et un week-end sur deux, il y a elle. Elle que je me prends à aimer comme si c’était mon dernier jour. Ma jolie brune. Je craque devant ses grands yeux, si légèrement maquillés. Son corps, si fin, dont chaque courbe ne finit pas de m’émerveiller. La toucher, la sentir
 J’ai accepté nos différences. Je la comprends. Je ne la juge pas. Je n’essaye pas de la changer. Je la respecte. Et j’en suis amoureux. C’est une pensée douce, réconfortante, une énergie positive qui élève. Cette aussi une vague d'émotion qui vous submerge, c’est…. La vie.


Ma vie n’est pas finie mais elle est bien entamée.