dimanche 30 novembre 2014

Partir ensemble pour pêcher la tendresse*

Si on m'avait dit qu'à 50 ans on pouvait être sentimentalement en détresse, je ne l'aurais pas cru.
50 ans c'est vieux, on est en couple, rien ne se passe.
J'ai vécu dans un milieu sans doute très ménagé quand j'étais jeune à tel point que c'est l'image que je m'étais formé de la fin du deuxième age : Stable en tous points.

Je crois que je n'ai connu qu'un divorce. Deux peut-être.

Et maintenant, ce désastre. ça virevolte dans tous les sens. Des célibataires, des couples défaits, des reconstruction, rien que du mouvement permanent de je te quitte, on s'installe, tu me quittes, je reviens (parfois), je repars (souvent), on essaye, je te cherche, tu la (le) trouves.

J'aimerais vraiment qu'elle soit plus démonstrative. Des fois, comme en ce moment, ça me pèse. ça doit bien exister des femmes qui disent "je t'aime", "mon chéri", "tu me plais", "je suis bien avec toi" (sans se forcer bien sûr) ? Une femme qui sache poser sa tête sur mon épaule, se blottir dans mes bras, passer sa main sur ma nuque.

Une femme qui sache être tendre.

Il doit y en avoir. Une qui aimerait être tendre avec moi. Parce que si c'est avec un autre, je m'en fiche un peu... Ou alors je suis un machin impossible à aimer.

Alors je pense aux histoires d'amour que je n'ai pas vécu, à celles que je ne vivrai pas. J'essaye d'imaginer. Aurait-elle été douce, au moins de temps en temps ?

C'est très difficile pour un homme d'avouer qu'il a besoin d'attention et de tendresse : Un homme c'est fort ! "Même pas mal".
Oui, d'accord pour prendre des décisions, d'accord pour être responsable, fiable, rassurant, etc. Mais d'accord pour recevoir des marques d'amour aussi.

J'ai parfois l'impression d'être un mendiant pleurnichard :"Dis Madame, tu n'aurais pas un peu de tendresse pour moi ? Tu veux pas venir dans mes bras ? On pourrait se faire un gros câlin, non ? Tu veux pas ?".

Et je regarde et j'imagine.

Et je ne fais rien...




*La chanson de Brel dit : "Partant ensemble pour pêcher la tendresse". Mais je ne reprends pas l'image des "navires" ennemis" bien que la chanson me paraisse très juste. Je ne donne pas le titre ? Et bien non, tu as internet n'est-ce pas ? ;)

samedi 29 novembre 2014

Dépendance

En revenant ici, je redécouvre ce qui m'y déplaisait : La dépendance.

La dépendance aux commentaires.
Au début on écrit pour soi. On écrit "juste" pour soi.
Et puis, les commentaires arrivent. C'est un échange. On découvre des points de vue différents ou la contraire, que l'on est pas seul, que d'autres ressentent la même chose, vive ou on vécu la même chose.
Et puis petit à petit on attend ces commentaires car ils complètent ce que l'on a écrit. Je pense à un écho. On crie et on attend l'écho. ça donne une échelle. Comme un caillou que l'on jette dans un puits. S'il ne rencontre rien, on est un peu perdu.

Et je ne parle pas des liens que l'on crée. Des liens parfois très émouvants. Parfois très perturbants.

Sans doute sur la plage

Je crois que je viens ici quand ma vie devient silencieuse. Quand les seules phrases que j'entends sont celles qui s'articulent dans ma tête.

Elles ont la forme d'un texte que l'on écrit. je les pense comme je les écrirais.

J'ai toujours eu besoin de poser les choses. Il faut que je griffonne, que je matérialise. Ce n'est pas systématique bien sûr, mais j'ai besoin de donner un forme aux choses. Parfois c'est un dessin qui se forme dans ma tête et il est me parait assez net pour être tracé. Parfois ce sont des phrases, des paragraphes.

Tout à coup je me demande si ce qui se passe avec le temps, avec les années pour être précis, ce n'est pas le fait de ne pas passer à l'acte, de laisser s'échapper ou s'évanouir ce que l'on a à l'esprit. On laisse filer. Par lassitude ? Par paresse ? Par peur de l'échec ? Ou juste pour se protéger. Se protéger des émotions.

Pourtant, j'ai compris, sans doute il n'y a pas très longtemps, que vivre c'était ressentir des émotions. Et vivre pleinement, c'est accepter d'être emporté, submergé, broyé et rejeté, exsangue pour un temps.
L'image est bien celle d'une vague que l'on voit arriver, qui vous porte, vous renverse et vous laisse sur le sable.

C'est pour cela qu'il faut accepter de devoir souffrir. Prendre le risque de souffrir, après, éventuellement. Et profiter de l'instant présent c'est ça.

Des fois, je voudrais vivre ça à deux.

vendredi 28 novembre 2014

une vieille histoire

Je l'aime bien ce blog. J'en parlais avec une amie cet après-midi.

C'est un peu comme un appartement dans lequel on a vécu beaucoup de choses, que l'on a quitté et dans lequel on revient.
Il est vide quand on rentre et les murs sont blancs.
Il est tout de même chaleureux, on s'y sent bien.

Et puis rapidement des souvenirs reviennent. On se souvient où étaient les meubles, on se souvient des bruits, de certaines odeurs.

Ce blog contient à peu près 7 années de ma vie. Un peu plus même car j'y parle aussi de ce qui est antérieur à sa création.

J"ai beau avoir passé le demi siècle, 7 années représente tout de même 14% de ma vie. C'est modeste mais ce n'est pas négligeable. Surtout que ces années ont été riches en changement. Du moins je le trouve. Et très certainement riches sentimentalement.

Je n'ai jamais réussi à tout dévoiler. J'ai gardé des détails ou des réflexions. Après tout, il est publique.

J'avais commencé un autre blog où je décrivais de façon assez crue l'aspect intime de mes relations avec certaines des femmes que j'ai pu croiser. Un besoin de décrire des situations parfois surprenantes et pas toujours agréables. La façon dont les êtres en pleine excitation sexuelle se comportent. La face cachée, travestie, la face animale.

C'était très cru. Mais pas vulgaire. Une période où je me prenais pour un Houellebecq en herbe... Une leçon de choses où l’élément  de départ était souvent une paire de fesses. Un cul quoi. L'idée abstraite je ne sais pas. Y en avait-il ? Une réflexion sur l 'instant où tout bascule, où tous nos vernis craquent.

Raconter ce qui ne se raconte pas m'attire toujours. Il est fort probable qu'un jour je me lâche à décrire ce que nous savons tous, ce que nous vivons tous, mais que nous n'imaginons pas facilement des autres. Mais ce ne sera pas ici.

Je dois trimballer sur ce blog, l'image d'une espèce de séducteur (dans le sens de celui qui essaye de séduire), pas très fiable, grand amateur de jupons, portrait type de l'homme que l'on ne voudrait pas dans sa vie.

Pourtant, je suis d'une fidélité remarquable. Une fidélité plus raisonnée qu'assumée. Je suis tiraillé entre mes principes - le plus fort étant celui de ne pas faire à autrui ce que je ne voudrais pas que l'on me fasse - et cette conscience aiguë de l'aspect éphémère de la vie.

Je voudrais... mais je peux point !

Et puis, longtemps j'ai espéré un amour parfait. Un couple comme un diapason.
Jusqu'à ne plus le considérer que comme une chimère.
Il m'arrive pourtant parfois, en rencontrant une femme, de penser un instant que ce pourrait être elle.
Brièvement, comme un enfant qui croit qu'il va avoir un cadeau ou se met à espérer une bonne note qu'il ne peut pas avoir.

Mon amie ? Mais si, je la respecte. C'est vrai qu'elle me fait souffrir parfois. Moi qui voudrais des montagnes de tendresse et elle qui ne sait pas en donner. L'amour est mystérieux. Il n'est pas rationnel.

Ce soir, je sens comme un vide. Un besoin d'intimité tendre partagée. Non je ne parle pas de copulation. Je parle d'être à deux dans une bulle pour un instant volé au temps.

jeudi 27 novembre 2014

23:12

J'aurais bien écrit un article sur le temps qui passe, mais je l'ai déjà fait.
J'aurais bien écrit un article sur les femmes, mais je l'ai déjà fait.
J'aurais bien écrit sur les temps décadents, mais je l'ai déjà fait.

J'ai déjà tout dit, tout d'écrit.

J'aurais pu écrire un article sur les problèmes de couple, sur les périodes de bas, mais...
Idem sur le fait de voir les enfants quitter le nid, ou bien, ou même encore ou peut-être... mais non, tout est dit.

Alors, il ne me reste plus qu'à me répéter.

Parler de la cliente charmante et de son bras contre le mien au restaurant, parler de la nouvelle employée et de ses regards mystérieux à déchiffrer, parler des femmes, encore.

Parler de la joie d'avoir grande aînée pour deux mois à la maison pendant son CDD, de la joie de recevoir une de ses sœurs ou son frère pour un week-end, parler des enfants.

Parler de la tendre guerre avec mon amie, de nos doutes, de cette étrange attirance, parfois si lourde à supporter, parler du couple.

Parler du travail qui envahit mais qui fait vivre, de la fin de carrière, parler de la place des séniors.

Mais bon sang, ce ne sera que redite, que reformulation c'est certain. Rien de neuf ne sort de mes réflexions.

Mais, j'aime imaginer que ces mots sont lus. Ils entrent dans ta tête. Oui, ta tête, la tienne. Tu me lis en ce moment, n'est-ce pas ?  Donc ils sont dans ta tête. On ne se connait pas. Pourtant je suis entré, au moins pour un moment, dans ton esprit, dans tes pensées. J'y ai occupé une place. Tu comprends ?
Moi je trouve ça un peu magique.
Peut-être continues-tu à me lire en ce moment. Il y a peut-être des gens autour de toi ? Oui ? Pourtant, j'ai capté ton attention. Des mots sur un écran. Je t'écris, tu me lis. Et le temps n'a pas eu d'effet sur cela. Car tu me lis en ce moment, je t'écris au présent, mais ces phrases sont du passé.  Je les ai écrites à 23h36. Enfin celle-là. Regarde l'heure. Je t'écris du passé et tu me reçois dans le présent. Dans ton présent. Et ton présent, c'est mon futur actuellement. Je t'écris du passé, tu me reçois dans le présent, mais du me lis dans le futur. Je te laisse. je vais me coucher mais je serai certainement debout quand tu me liras. Sauf si c'est toi. Toi qui te couches très tard. Alors, bonne journée ou bonne nuit, tu choisiras.

Merci...




L'infirmière est un ange...

Mais je ne sais pas si ses yeux sont verts.

Une course catastrophique. Aurait-elle pu être pire ? C'est probable. Dans ce cas elle aurait été dramatique.

J'ai été étonné de commencer à doubler des coureurs juste après le 21ème kilomètre. C'est ce que l'on m'avait dit. "Tu verras après, certains commencent à marcher". Je n'ai pas accéléré pour autant, bien conscient qu'un excès de confiance pourrait provoquer une chute rapide.

C'est vers le 26ème km que j'ai commencé à avoir des crampes. Des petites décharges d'abord, les signes avant coureurs. Et cela m'a inquiété. Il restait un peu plus de 16 km à parcourir. Alors j'ai décidé de boire plus aux ravitaillements, deux fois plus en fait, c'est à dire deux verres d'eau plein au 3/4. Cela a été ma première erreur. Et puis j'ai pris un anti-inflammatoire. Ce fut ma deuxième erreur. Et pour finir, j'ai aussi décidé de manger du chocolat et des abricots secs à chaque ravitaillements. Et voilà pour la dernière erreur.

Rapidement, j'ai compris que les crampes ne passeraient pas mais qu'en plus j'avais réussi à me coller des spasmes intestinaux. Les deux Spasfon avalés vers le 30ème km n'allaient plus rien changer...

Les crampes étaient violentes m'obligeant à des étirements dont l'efficacité devenait nulle. Mes pieds se bloquaient parfois en flexion et il me fallait appuyer de tout mon corps pour les ramener en position normale.

Dans le dernière côte, je commençais à calculer combien de temps il me faudrait si je devais finir en marchant. Mais même marcher me déclenchait des crampes.

Et puis, le voile gris est arrivé. Je me suis dit : "Merde, c'est fini, je ne vais pas y arriver". Mon champ visuel s'est réduit. Je me suis dit, je vais tomber.
Après le 35ème km, je me suis appuyé sur une clôture, pour me tenir et puis pour tenter de débloquer mes jambes. Mon pied s'est figé en flexion et mes cuisses ont été prises de crampes.
J'ai dû m'assoir, enfin je crois. Une spectatrice m'a parlé. Elle m'a demandé si j'allais bien. J'ai dit oui. Ce sont des crampes. Je ne voyais plus grand chose.

Deux secouristes sont arrivés. La dame leur a parlé.
- Savez-vous quel jour nous sommes Monsieur ?
- Savez-vous ou nous sommes ?
Oui je savais. Nous étions entre le 35ème et le 36ème km. C'était une belle journée de novembre et oui, je connaissais mon nom.
- On va prendre votre tension si vous voulez bien.
Je voulais bien mais je me disais que ça allait me retarder.
- Mais je vais bien, j'ai juste des crampes.
- Vous voulez continuer ?
- Oui, je voudrais bien.
- Tu as une tension ?
-.... non rien...
- Essaye sur l'autre bras.
- J'ai rien.
- Monsieur, on va aller dans le camion, ce sera plus calme.
- Ok. Non pas besoin de me porter, je vais me lever doucement.
-...Monsieur, Monsieur, vous m'entendez ?
-... oui. Ah, j'ai perdu connaissance ?
J'étais allongé parterre. Il était 4 maintenant autour de moi.
- Oui, on va vous mettre dans une civière, ne bougez pas.
Je n'ai pas bougé. La civière a été mise dans le camion.
Ne plus avoir d'appui sous les pieds m'a déclanché des crampes à répétition.
- Oui docteur, le pouls est fuyant, très faible. La tension à 6,3.
Il était au téléphone.
- J'ai 6,3 de tension ?
-  Oui.
- Ah oui, c'est pas beaucoup.
- Vous avez perdu deux fois connaissances. On attend le docteur et on va vous emmener au poste de secours.
Je n'ai rien trouver à dire.
Les crampes et les spasmes étaient incroyablement douloureux. Une des secouristes tentait tant bien que mal de me soulager mais comme tous mes muscles se tétanisaient, chaque mouvement pour en soulager un déclenchait automatiquement une crampe au muscle antagoniste.

Le docteur est arrivé. Elle est arrivée aussi. Elle est venu tout à côté de moi. Tout contre moi pour me maintenir pendant que l'on inclinait la table pour que j'ai la tête en bas.
Chaque fois que j'ouvrais les yeux, je voyais son doux visages. Elle était belle. Elle souriait. Son visage était au dessus du mien, à quelques centimètres. Je crois qu'elle tenait mon bras et il me semble que c'est elle qui a posé la perfusion.

J'ai dit que je voulais aller aux toilettes. Les spasmes étaient comme ceux d'une gastroentérite sévère. Et elle m'a dit de me laisser aller, "comme un bébé, un beau bébé d'ailleurs".
La phrase raisonne dans ma tête. "Un beau bébé d'ailleurs".

Mais je ne pouvais pas me résoudre à me laisser aller

Le camion des secours s'est arrêté. Le deux-tons aussi. Les portes se sont ouvertes. Le brancard a roulé. On m'a posé sur un des lits du poste de secours. Je n'ai pas vu partir l'ange.

J'ai commencer à être pris de tremblements. J'avais froid. Hypotermie, 35°C.
La perfusion de sodium (de sel) a soulagé mes crampes et sous les grosses couvertures posées sur celle de survie, je me réchauffais.
Je me sentais mieux.
C'est a ce moment là que le néon au dessus de moi a crépité et s'est éteint. Et puis un liquide à l'odeur de fuel m'a coulé dans l'oeil. ça piquait.
Même après le nettoyage, ça piquait.

Une équipe d'entretien est arrivée. Il fallait rétablir la lumière car une poste de secours dans l'obscurité, c'est peu pratique.
- ah c'est le condo qui a fondu. C'était pas de l'eau.
- C'est pour ça que ça lui brulait l'oeil, a dit le médecin.

4 heures après la prise en charge, j'ai quitté le poste. Il faisait nuit. J'ai dormi 3 heures en pantalon, chaussettes et polaire sous une grosse couette en rentrant. Et puis j'ai pris une douche chaude et j'ai mangé un peu.

Depuis, je pense à l'ange. Je ne saurai jamais s'il a les yeux verts.

lundi 10 novembre 2014

au loin, la fin



Moi ça m’angoisse.

C’est d’une tristesse infinie de vieillir.

Se voir se flétrir comme un fruit trop mûr.

Aucune méthode de conservation n’arrête le phénomène. On se rabougrit. On se fripe, on se ramollit.

Les jeunes n’aiment pas les vieux parce qu’ils leur rappellent ce qui se trouve au bout de la route. Le corps et la tête qui deviennent frileux. Pâle reflet de notre existence éphémère, future poussière.

Cruel. Revers de la médaille. Avec la conscience nous avons appris la mort.

Mais ça devrait nous rendre modeste de savoir que nous sommes chacun une quantité négligeable et périssable. Pourtant…

50 ans passés à faire quoi ? Encore plein de rêves dans la tête qui n’auront jamais été autre chose que des rêves et qui finiront par s’effacer et disparaitront complètement avec moi.

J’y pense chaque jour un peu plus. J’ai peur je crois. Voir venir cette fin, en découvrir les marques, ne plus pouvoir faire semblant d‘avoir le temps, c’est à peine supportable.

Comme je comprends ceux qui ont voulu échapper à cette lente agonie. Je n’aurai pas le courage. Je trouve des excuses, les enfants, mon père, mon amie. Et quoi ?

Et puis tout ce gâchis. Arrogance, suffisance, inconscience aussi.
Et rien n’est plus à refaire, c’est fini. On ne peut pas revenir, même plus vieux, pour faire différemment : ce qu’on a manqué, ce qu’on a abimé, cassé, négligé est définitivement passé.
Car tout ce qui nous entoure est dans la même spirale, la même course infernale.

Le temps que je n’ai pas passé avec mes enfants quand ils étaient petits ne peut pas être revécu. Maintenant n’est pas avant et mes absences quand ils avaient besoin de moi ne peuvent être corrigée par une présence actuelle.

Le temps perdu ne se rattrape jamais. C’est connu, su, mais assimilé trop tard.