samedi 8 octobre 2016

Du sable...



Du sable…

C’est donc ça une vie. Elle s’écoule et puis un jour on  prend conscience de sa brièveté. Et cette idée ne vous quitte jamais plus…

 J’y pense chaque jour maintenant. C’est court une vie, quelle que soit sa durée réelle. Longtemps on croit qu’on a le temps. Mais non, on n’a jamais le temps, même à vingt ans, même avant. Car tout ce qui nous entoure est mort l’instant après qu’on l’ait vu. Le présent n’existe pas. Il est cette limite abstraite entre ce qui a été et ce qui sera.
A peine a-t-on l’impression d’avoir saisi l’instant qu’il s’est déjà enfui.

Les photos, les films, nous montrent cette inéluctable marche du temps.
Tous ces gens, ils n’existent plus, ils ne sont plus ce qu’ils étaient.

Ces enfants jeunes, jamais plus je ne le verrai, jamais plus je ne les embrasserai, je ne le serrerai dans mes bras. Les châteaux de sable que je n’ai pas fait, les bains de mer que je n’ai pas pris avec eux, ils ne reviendront pas. Ces enfants, les miens, ont maintenant l’âge d’avoir des enfants. Il faut que je leur dise de ne rien manquer, que je leur dise de vivre l’instant « présent », d’être « présent » dans le « présent ».

Cette jeune fille sur cette photo, cette jeune femme sur celle-là, jamais je ne les connaîtrai. Je les aurais aimées, j’en suis sûr, comme j’aime celle qu’elles sont devenues,  celle que j’aime aujourd’hui. Elle aussi me dit qu’elle aurait voulu pouvoir faire des projets vagues sur une vie future dont on peut ne pas deviner la fin. Imaginer des chemins flous, des directions vagues, en se disant « pourquoi pas ? », sans essayer de séparer le rêve de l’impossible.

Mais ce qu’il reste de la route est moins drôle. Le déclin, dans la dignité si cela est possible, mais le déclin amorcé depuis des années se fait moins discret jour après jour. Ses marques ne sont plus niables.

Oui, c’est ça une vie. Longtemps on croit qu’on a le temps et puis un jour on comprend que non. Et cette idée s’insinue dans tout, se répand comme des flots boueux qu’aucun obstacle ne peut contenir.

Profiter de ce qui reste ? Evidemment. C’est ce qu’il faut faire. Mais cette insouciance perdue, cette conscience de la mort, plombe tout ou presque.
Et comment accepter de perdre son temps quand on sait qu’un jour il ne restera rien ?

Inutiles, futiles, stériles, voilà ce que sont la majorité de nos actes.
Je vois bouger les autres, je les entends parler, je vois comment ils sont entre eux, ces mensonges, ces calculs, cette violence, cette haine,  cette rage

« - Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. »
Charles Baudelaire, « Spleen ».