samedi 28 avril 2012

Glissement


5h du mat, mais je n’ai pas de frissons…

Semaine de courtes nuits. Réveils entre 2h30 et 5h00. J’ai donc essayé de me coucher tôt toute la semaine, entre 22h30 et 23h30. Comme d’habitude dans ces cas-là,  je tente d’identifier la cause du trouble. C’est relativement facile… Ma motivation professionnelle a grandement diminué. La nouvelle organisation ne me convient pas. Nouveau découpage géographique et nouvelle structure hiérarchique sont tous les deux démotivants. Sur le papier, je couvre beaucoup moins de pays et plus de produits. Dans la réalité des faits, j’ai toujours des dossiers à traiter pour la même (très grande) zone mais comme je ne suis plus « responsable » de beaucoup d’entre eux, je n’ai pas de raison – ou l’espoir - de m’y déplacer et je passe mon temps devant mon pc à recevoir et envoyer des messages.

Les nouveaux produits ne sont pas non plus dans le core business (ceux qui travaillent dans le marketing ou la vente saurons ce que cela signifie) et il faut développer beaucoup d’efforts pour que le réseau commercial trouve motivation à les vendre et que le « top management » accepte de financer les études qui permettent de les faire évoluer. C’est ce que j’appelle un environnement professionnel hostile.

Difficile de comprendre pour une personne extérieure à ce domaine, en voyant un cadre bien payé avec une belle voiture de fonction, qu’il parle d’environnement hostile. Pourtant, la pression est réelle, quotidienne, envahissante. La pénibilité du travail n’est pas physique mais néanmoins réelle. L’opérateur sur machine ne comprendra pas : « De quoi te plains-tu ? T’es bien payé, tu es confortablement assis dans ton bureau, tu n’es pas obligé de surveiller tes dépenses chaque fin de mois ! ». Certes. Je pourrais préciser que le bureau est sans fenêtre et que passer ses journées devant un écran d’ordinateur à la lumière des néons est fatiguant. Je pourrais aussi préciser que je mets essentiellement de l'argent de côté pour payer les impôts et qu'à la fin de l'année je repars à zéro. Il pourrait me répondre que passer ses journées devant une machine parfois bruyante, parfois avec des matières malodorantes, parfois à une température élevée, parfois tout à la fois et bien plus, est certainement bien plus fatiguant. Bien sûr. C'est évident. C'est pénible et mal payé. Mais la fatigue dont je parle n’est pas physique. Elle est mentale. L’usure est mentale, psychologique.

Etre sous pression permanente – objectifs, résultats – solliciter en permanence – messagerie, téléphone, BlackBerry, ordinateur portable – est usant. Beaucoup le diront.
Car il semble que nous soyons nombreux parmi « les cadres » à supporter de plus en plus difficilement cet état de fait, que le bien fondé de tout cela nous paraisse moins évident. Mais l’avouer est une faiblesse, c’est se placer dans la position du maillon faible. Et le maillon faible n’a pas sa place dans les organisations de ce type.Et puis comment stopper la machine ? Comment faire pour changer de "niveau de vie" ? Comment convaincre les autres que la qualité de vie sera meilleure en possédant et dépensant moins ? Je me vois bien expliquer ça aux enfants. J'y pense mais n'ai pas la solution. Alors il faut atténuer ce mal-être.

Je n’ai pas de support « médicamenteux », je n’en veux pas. J’ai réagi différemment, je l'ai expliqué. J’ai fait glisser mes centres d’intérêt, ma motivation vers autre chose. J’ai d’abord supprimé complètement alcool et cigarettes vers Noël. Ce sont des béquilles insidieuses. Je me suis lancé dans une pratique que l’on pourrait qualifier d’excessive du sport (activité quasi quotidienne à base de course à pied, natation, VTT). Je lutte pour que mon travail n’envahisse plus ma vie de famille et mes loisirs sportifs. La vie de famille n’est pas toujours calme et réconfortante. Le sport l’est toujours. C’est l’assurance de satisfaction, de soulagement, de bienêtre.
Certains amis ne me prévoyaient pas tenir plus d’un mois à ce rythme. Ils se sont trompés. C’est une drogue. Un jour sans sport (une fois par semaine, parfois deux à cause du travail) est une sensation de manque. Je ne suis pas devenu un athlète pour autant. Mais j’ai une condition physique, une résistance, une endurance, des performances accrues. J’ai trouvé un moyen de me dépasser. Je lutte contre quelque chose que je peux vaincre : les douleurs (la pratique du sport et parfois douloureuse. J’ai couru 23 km le week-end dernier, mes genoux de 48 ans m’ont obligé à trouver des mouvements souples qui les ménagent !), le découragement (1h30 de course dans le vent et la pluie oblige à lutter contre le désir de s’arrêter, la longue côte boueuse en VTT est épuisante et paraît infranchissable).
C’est une façon de se réaliser. C’est une satisfaction avant, pendant et après.

Afin d’aider les autres à exister, pour les soutenir, il faut déjà être capable d’exister soit même et être stable.

J’ai faim. J’ai souvent faim maintenant ! Je vais prendre mon petit déjeuné

Je laisse la lumière allumée, je repasserai un jour.

8 commentaires:

  1. Tu sembles réaliser que la vie peut être ailleurs... La dernière fois que je t'ai laissé un mot (il y a longtemps déjà!), j'étais mariée à un homme qui courait après un travail valorisant (et bien payé), depuis je l'ai quitté, j'ai passé quelques mois seule pour le plaisir de me connaître enfin et maintenant, j'ai la chance de vivre une belle histoire avec quelqu'un qui est simplement heureux de vivier et d'en profiter!
    Mes trois filles n'en reviennent pas encore! La bonne humeur envahit la maison. Elles apprécient moins le changement de niveau de vie, mais je suis certaine qu'elles finiront par comprendre.
    Malgré mes tendances écolos, je laisse ta lumière allumée!

    A bientôt.

    Anne-Catherine

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  2. Je comprends tellement ce que tu exprimes, cette société où on ne reconnaît pas la fatigue morale, l'épuisement, quand le ressort est détentu et qu'on n'arrive plus à rebondir. Je me suis décidée à me faire "aider" il y a une semaine, rien de très fort, juste un anxiolytique sans risque d'accoutumance. Effet placebo ou efficacité réelle, au moins je n'ai plus sans cesse les larmes aux yeux, affaire à suivre ...
    Et moi j'attends avec impatience la suite de tes "aventures" !!
    Bises
    Carole

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  3. Comme Anne-Catherine, fatiguée d'être seule à mener une barque que celui qui était mon conjoint m'avait abandonné le gouvernail, j'ai sauté du bateau de croisière à pont de teck et jacuzzi pour atterrir en campagne où mon train de vie a été divisé par 5, et mon bonheur, mon assurance, ma gaité, ma vie multipliée par 5 000... (si tant est que l'on puisse quantifier le passage d'une non-existence à la vie tout court, et heureuse de surcroît).

    On peut aussi se couper de son boulot, on peut aussi laisser les mails et les produits, on peut aussi se prendre quelques jours pour réfléchir à un autre avenir.

    Laisse la lumière allumée, un jour tu trouveras le chemin.

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  4. J'ai vécu et vis la meme existence que toi. Celibataire par la force des choses, mon univers s'est reduit à un blackberry, un bonsai et..ma paire de runnings. De ne plus tomber dans des chimeres alcoolisées aux odeurs de tabacs de virginie, j'ai un soir décidé de sortir courir. Bien m'en a fait.Cette sensation d'exister un moment pour soi et de se respecter enfin. Notre ame souffre certe de tant de problemes mais notre corps nous soutient. Faisons en sort de le respecter. J'ai 45 ans, pere de deux beaux enfants , qui voit leur pere se tenir droit meme si les larmes pointent aux comissures des yeux. Je n'ai plus la force de reconstruire une relation mais mes enfants, mon metier et le sport m'ont amené à un equilibre perene.
    Continue, tu trouveras aussi cette serenité quand le soleil se levera au bruit du tapatap de tes runnings.
    Le reste te souriera

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  5. Tu m'épuises là... 23 kilomètres... ah sinon j'aimais bien la chanson, ça me rappelle quand j'étais pas vieille :)
    Des bises chinoises !

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  6. Anne-Catherine : Mes enfants pourraient demander des bourses si je ne pouvais plus assumer. Je pense qu'ils comprendraient. Mon souci, ce sont les emprunts... Je ne joue pas au loto... Je devrais. Content que tu aies trouvé un équilibre. A bientôt (en fin j'essaie..)

    Carole : Pas de honte à se faire aider. C'est ce que j'avais fait après mon divorce. Là, c'est le sport qui me fait tenir. Bises.

    Lapunaise : Comme indiqué plus haut, il faut payer les factures. Vendre ? Ce serait à perte et ça ne rembourserait pas les emprunts. L'immobilier n'a pas retrouvé ici la cote qu'il avait il y a quelques années... Demain sera un autre jour.

    Fred : Le sport est une bonne drogue... nous sommes d'accord. Voilà pourquoi j'essaie de ne pas laisser le boulot l'envahir lui aussi. J'ai pris quelques jours, j'ai 150 messages que je n'ai pas traité du tout...même pas ouverts. Entre 40 et 60 arrivent quotidiennement. Je les oublie complètement quand je fais du sport...c'est une bouffée d'oxygène. Il faudrait travailler sans arrêt pour ne pas être en retard. Je n'ai plus envie. Usure. Mon sac de sport est prêt... pas ma sacoche pour aller bosser ! Merci de ton témoignage.

    Manderley : Très vieille chanson. Je crois que j'étais au lycée ! Je m'ennuyais déjà !

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  7. Il se dégage
    De ces cartons d'emballage
    Des gens lavés, hors d'usage
    Et tristes et sans aucun avantage
    On nous inflige
    Des désirs qui nous affligent
    On nous prend faut pas déconner dès qu'on est né
    Pour des cons alors qu'on est
    Des

    Foule sentimentale
    On a soif d'idéal
    Attirée par les étoiles, les voiles
    Que des choses pas commerciales
    Foule sentimentale
    Il faut voir comme on nous parle
    Comme on nous parle


    il faur faire de la ..résistance !

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  8. JaunePassion : Bien que je ne sente pas lavé et hors d'usage pour tout (!), c'est tout à fait vrai, Souchon a raison !
    lpc

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