samedi 8 février 2014

L'égoïste

Je me souviens que mon arrière grand mère mangeait les fruits à moitié blets. Elle nous laissait les meilleurs et elle n'aimait pas gâcher.

Mon arrière grand mère était une femme admirable très forte mais très bonne, ayant vécu des choses horribles.

Elle a survécu à des massacres, a été confrontée à la mort de proches, à la barbarie humaine, la mort et la mutilation autour de soi, qui frappe sans distinction de sexe ou d'âge, sans pitié aucune, avec haine et bêtise.

Elle a connu la faim, le "déplacement" de population,  la fuite avec sa fille, son bébé protégé,  pour la survie, l'exil, l'abandon de tout. Puis le refuge en terre de langue et coutume inconnues.

Elle a connu cette vie que dautres connaissent encore aujourd'hui, partout à travers le monde. Cette vie dont on ne mesure pas la dureté, la souffrance, les sacrifices, les peurs terrifiantes. Cette vie dont les médias balancent quelques images avant le repas à 20th,  plus préoccupés par leur audimat que par leur signification (mais ça c'est un autre débat).

Elle a connu la vie de ceux qui connaissent la valeur de la vie, sa fragilité, la vie de ceux qui ont - apres leur survie au moins, marqués définitivement par la dureté de la leur - protégé leurs descendants, voulu le meilleur pour eux, tout donné pour eux.

J'allais écrire quelques choses de méchant.

Quelque chose sur le fait de prendre les meilleurs fruits, la dernière part de gâteau, de ne parler que de soi et de sa santé, de ne penser aux autres que comme une présence utile à soi .

C'est inutile. En deux générations, tout c'est inversé. Je ne veux pas l'oublier.

Je ne veux pas oublier que je suis là, parce qu'une femme au début du siècle précédent, s'est battu pour que son enfant et elle survivent. Je ne veux pas oublier que mes enfants sont ce que j'ai de plus cher. Je suis un lien entre ceux d'avant moi et ceux d'après moi.

L'égoïste, qui ne peut pas être excusé de tout par son âge et sa maladie, me rappelle tout ça. Je ne veux pas non plus lui en vouloir,  mais je ne veux pas oublier.

Ce matin, j'ai trouvé sous la porte de ma chambre un mot comme je n'en avais plus eu depuis longtemps. Sur une page de cahier à carreaux, avec un feutre bleu, en grosses lettres rondes il était écrit : "Papa je t'aime".
























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