dimanche 15 février 2015

Elle est comment cette pomme ?



Il était petit et rondouillard, jovial. Pas gros, mais avec un ventre qui tirait sur sa chemise blanche, sortait de son costume noir et sur lequel était posé une cravate rouge  La cinquantaine, certainement. Un visage rond, un petit nez, un peu rond aussi, des pommettes un peu rouges, de celles de ceux qui boivent plus que nécessaire. Une calvitie qu'il cachait avec des mèches tirées de la couronne et plaquées sur le sommet du crâne.


J’ai pensé à une caricature de représentant de commerce.


 


Il marchait dans la galerie marchande du supermarché.


 


Ces pas étaient petits, rapides. J’imagine qu’il avait aussi des petits pieds.


Il tenait une bouteille de champagne.


 


Avec lui se trouvait une grande fille noire, plus jeune, avec des formes généreuses qu’une robe noire en coton, très moulante révélait  volontairement. Sa taille était serrée par une ceinture rouge. Du même rouge que celui de la cravate du petit rondouillard. Elle avait de hauts talons et des semelles compensées qui lui donnaient une démarche absolument pas naturelle et un peu ridicule. Comme quand on marche sur la pointe des pieds, pieds nus. Elle tanguait et semblait chercher son équilibre à chaque pas.


 


Sa robe était  fendue d’un côté, bien plus haut que la cuisse, à tel point que l’on était presque étonné ne pas apercevoir, au départ de la fente, sa culotte.


 


Bien que longue, arrivant juste au- dessus de la cheville, la robe remontait sur ses hanches, lui imposant, en plus des efforts développés pour avancer sur ses échasses, de la tirer vers le bas, à droite, puis à gauche, puis à droite, puis à gauche..


 


En début d’après-midi, la galerie commence à se remplir à nouveau. Mais elle n’était pas assez pleine pour que ce couple improbable puisse passer inaperçu. Lui ne le cherchait pas à priori. Il semblait se pavaner. Il regardait à droite et à gauche, probablement convaincu de faire des envieux.


 


J’ai pensé qu’il ne fallait pas juger. Ne pas se demander ce qu’ils faisaient ensemble.  Etaient-ils ensemble d’ailleurs ? Il marchait côte à côte, c’est tout. Le reste ne pouvait être qu’interprétation. Mais j’ai éprouvé un peu de pitié pour ce petit personnage.  Car manifestement, il était très fier de se promener avec cette fille dont la tenue et la démarche me semblaient plutôt vulgaires.


Après tout quelle importance ? S’il était heureux. Et même s’ils étaient ensemble et qu’elle ne le soit que par intérêt et non par amour, quelle importance ?


 


Finalement, ce qui est important, c’est d’être heureux, d’éprouver une satisfaction à l’instant que l’on vit. Etre aveugle. Caché aussi car c’est bien souvent le regard des autres qui introduit le doute.


Le seul problème, c’est quand la conception que l’on a de la situation change. Quand le rêve se brise. Quand ce que l’on avait pas su ou pas voulu voir se révèle. On peut accepter les faits en se disant que l’on an a bien profité. Car après tout c’est vrai. Et peu importe le jeu que jouait l’autre, sa duplicité. Mais cela ne vaut que si l’on n’a rien perdu. Car sinon, je crois que l’on chute vertigineusement.


 


Il me semble qu’il faut, soit ne pas perdre ses illusions – si l’on a peur d’en souffrir, sinon, que vogue la galère, on écopera quand elle prendra l’eau - soit ne pas se leurrer.


Dans le premier cas, je ne vois pas comment ne pas être perturbé ? J’ai l’image d’une lumière qui s’éteint d’un coup. Si l’on sait que l’on sera perturbé, atteint, affaibli par cette perte et qu’on ne le souhaite pas, que l’on ne veut pas devoir la combattre et s’en relever, il faut refuser l’illusion.


Et donc voir les choses telles qu’elles sont vraiment, de façon factuelle. Mais est-ce seulement  possible ? Tout n’est qu’interprétation ! On peut essayer de rester lucide, froid et se dire que l’on ne voit qu’une partie des éléments.  Mais que faire dans ce cas ? Que juger ?


Je vois une pomme. Je n’en vois qu’une moitié. Cette face est rouge et lisse, elle est bien mûre. Mais il m’est impossible de voir l’autre côté. Si je juge la pomme sur ce que j’en vois, elle est bonne à manger.


Mais qu’en est-il de l’autre face ? Elle peut-être aussi belle que celle que j’aperçois, ou complètement pourrie.


Que dois-je faire ? Je croque dans la pomme en me basant sur ce que je vois ou je la laisse car je ne le vois que partiellement ? Déjà, j’imagine qu’elle peut être à moitié pourrie. Je considère donc que les faits apparents ne sont pas suffisants pour décider de mon action.


 


Je ne mange pas la pomme ou je croque dedans en acceptant de devoir en recracher les morceaux ?


 

7 commentaires:

  1. Ben je ne juge plus, je ne me pose plus de question, je prends et des fois ben je recrache. Mais je.ne.passe.plus.à.côté.de.rien !

    A 48 ans je me cogne littéralement de ce que l'on peut penser, dire, faire de moi. Je suis assez grande pour envoyer balader qui de droite ou de gauche viendrait me chercher des poux.

    Je suis souvent comme ton petit rondouillard, limite ridicule, parfois carrément timbrée, mais je suis heureuse. Alors j'en profite, et quand la situation change, me déplait, turlupine mes proches, alors je recrache les morceaux et j'essaye de changer de pommes :-)

    Par contre, contrairement à ton petit rondouillard, je n'implique jamais que moi-même, enfin autant que faire ce peut.

    Ca fait bien bien longtemps que je ne me préoccupe plus du regard des autres.

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  2. Ah si je pouvais réussir à en faire autant moi !!!! Tu vas me donner un cours ma Punaise ! :-)

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    1. j'ai appris à force de voir ma mère culpabiliser de rien, de tout, sur tout, tout le temps, de ne penser qu'à ce que pourrait penser les voisins, que ce n'était plus de son âge, que ce n'était pas "bien" ou "pour elle" ou que "ça ne se faisait pas"..
      Je fais, comme je veux avec qui je veux et quand je veux. Ce qui ne veut pas dire que je ne respecte pas les autres, mon entourage et la société hein. Mais bon, voilà, si j'ai envie de porter une paire de chaussures en faux python de 12 cm de talons avec mon jean bleu tout pourri pour aller chercher mon pain, je porte mes chaussures en python avec mon jean tout pourri et ma boulangère les trouve jolies :-)

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  3. Ben alors cette pomme, t'as fini par la croquer ou pas ????

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